+ -. À l'image du titre du nouvel album de Frank Turner, « Positive
Songs For Negative People » et de ses deux symboles mathématiques,
la vie serait-elle aussi binaire ? Joie/tristesse, amour/haine,
bonheur/malheur, noir/blanc... Assurément non ! Et ce concert de
Frank Turner dans une salle intimiste et en configuration solo
acoustique a su nous rappeler à quel point la vie est parfois semée
d'embûches. Ce qui ne tue pas, rend plus fort et avec son
répertoire, l'artiste anglais a peut-être fait sienne cette célèbre
maxime. Après un album marqué par une douloureuse rupture
sentimentale (« Tape Deck Heart »), il a quelque part façonné un
disque en réponse, plus optimiste, même s'il traite de sujets
parfois douloureux comme le deuil. Mais passons désormais au
compte-rendu de cette soirée qui a également mis à l'honneur trois
autres artistes.
Tout
d'abord, Joseph Merrick a lancé les festivités avec un timbre
rappelant parfois le son d'Oasis. Après sept morceaux, le jeune
homme, chaudement applaudi par la salle, a laissé sa place à Peter
Black. Cet artiste australien, en tournée avec Forest Pooky, a
présenté quelques morceaux de son répertoire. Avec une voix assez
aiguë, il a marqué l'assistance par ses ballades marquées par le
thème des amours déçues. Forest Pooky est ensuite arrivé sur
scène avec sa guitare acoustique à la forme unique. Cet ami de
Frank Turner a livré un set aussi énergique que lors de sa première
partie au Divan du Monde en septembre 2013. L'horloge indiquait alors
21h15-21h20 et après les quelques réglages de guitare et la
préparation de la scène, le temps était venu d'accueillir le héros
de la soirée. La petite colonie de fans anglais présente dans la
salle était à la fois tout aussi chaude que la température dans la
salle et la ferveur des fans français.
21h30.
Frank Turner est arrivé sur scène sous les acclamations fournies de
la foule. Il a de suite essayé de parler quelques mots en français.
« Bonsoir Paris, je suis Frank Turner. Nous allons jouer ce soir des
chansons nouvelles, des chansons anciennes et des chansons moyennes !
», a-t-il déclaré avant d'éclater de rire et de repasser à
l'anglais pour être plus à l'aise. Directement, on sent cette bonne
humeur, cette sympathie et cette gentillesse qui ne semble pas forcée
du tout. Pour avoir déjà eu l'occasion de l'interviewer et lui
parler un peu en privé, c'est un artiste et un gars en or, qui ne
semble jamais jouer un jeu sur scène ou dans le vie. Le gendre
idéal, le gars qu'on rêverait d'avoir comme ami. Sans plus tarder,
il a démarré son set avec le morceau « The Angel Islington », qui
ouvre également son nouveau disque. Cette entrée en matière calme
et mélancolique a été de suite contrebalancée par le fougueux «
Get Better ». « We could get better because we're not dead yet ! » : le public a hurlé comme lui ces paroles qui sonnent comme un cri du
cœur. Frank Turner a ainsi fait sienne cette maxime qui rappelle
quelque part le célèbre « tant qu'il y a de la vie, il y a de
l'espoir ».
Fort
en anecdotes, le concert a été, comme d'habitude avec l'artiste,
riche en émotion et intense. Frank Turner a cette capacité à
incarner et exprimer des sentiments avec une interprétation
exceptionnelle. Cri, rage, sourire, fou rire, toute la palette des
émotions passe au révélateur de ses titres, magnifiés par le
live. Après « If Ever I Stray », le morceau « I Knew
Prufrock Before He Got Famous » a rappelé combien l'amitié
semble une valeur fondamentale dans la vie de l'artiste. Sur
« Tattoos », il a raconté une blague que lui a fait un
membre de son staff, lui conseillant de se faire tatouer le visage du
chanteur d'Elbow sur le bras. Rire de l'assistance devant cette
petite blague. Après « Putain de bordel de merde », où il a
plaisanté en disant qu'il s'agissait d'un nouveau morceau écrit
tout récemment, il a joué « The Opening Acf of Spring »,
précisant que le morceau faisait référence à son ex, qui lui
avait inspiré « Tape Deck Heart ». « Nous avons
dîné ensemble récemment et tout s'est bien passé, nous ne nous
sommes pas battus », a-t-il confié avec humour.
On
voyage, on assiste à des histoires plus ou moins tristes et des
destinées forcément marquées par la vie de l'artiste. Sur
« Glorious You », il a mentionné le fait que le morceau
était écrit pour sa cousine, qu'il considère comme une
petite-soeur. « Elle a connu des moments difficiles et cette chanson
est pour elle », a-t-il indiqué. Sur « The Way I Tend to
Be », il a renouvelé son anecdote au sujet d'un koala mangeant
de l'eucalyptus, une odeur rappelant celle du shampoing de son ex !
« Song for Josh », moment d'émotion, est un titre en
hommage à un ami qui a mis fin à ses jours, sur lequel Frank Turner a
lâché toute son émotion, en s'interrogeant sur ce geste et
regrettant de ne pas avoir pu l'aider. Enfin sur « To Take You
Home », nouvelle anecdote au sujet d'une ex pour laquelle il
avait écrit ce titre et traversé la Manche pour venir lui jouer,
recevant un « C'est fini entre nous » en guise de bonjour.
Frank
Turner a alors enchaîné une succession de titres plus rares comme «
Rivers », « Front Crawl » et « I Am Disappeared », chose que
permet plus souvent les sets acoustiques. Après « The Road »,
le concert a soudain encore gagné en intensité alors qu'on sentait
qu'il approchait de sa fin, mais surtout de son apogée. « Mittens
», demandé par une fan éméchée et trop insistante, a encore
montré que Frank Turner interprétait avec ses tripes, notamment en
fin de titre où il a littéralement hurlé de tous ses poumons.
L'enchaînement « Recovery », « The Next Storm »,
« Photosynthesis » et « I Still Believe » a
fini d'achever de bonheur tous les fans, qui auront chanté à plein
poumons. Frank Turner avait averti en début de show : « Il
y a deux règles. On est tous amis ce soir et on chante tout le long
du concert si on connaît les paroles ». On aura vu des gens
heureux, chanter et vibrer pendant 1h30. L'Anglais a vraiment ce
pouvoir de diffuser une énergie et du bonheur en barres. Après
« Somebody to Love » de Queen, il a salué le public. On
sait qu'il reviendra bientôt avec les Sleeping Souls pour une
prochaine date, voire une tournée en France. Vivement ! En attendant, on
a tous eu un peu l'impression d'être le pote d'un mec extra et
s'éclater avec lui lors d'un concert de malade ! God damn, it's
great to be alive !
Setlist
1.
The Angel Islington
2.
Get Better
3.
If Ever I Stray
4.
I Knew Prufrock Before He Got Famous
5.
Tattoos
6.
Putain de bordel de merde
7.
The Opening Act of Spring
8.
St. Christopher Is Coming Home
9.
The Ballad of Me and My Friends
10.
Glorious You
11.
The Way I Tend to Be
12.
Song for Josh
13.
To Take You Home
14.
Rivers
15.
Front Crawl
16.
I Am Disappeared
17.
The Road
18.
Mittens
19.
Recovery
20.
The Next Storm
21.
Photosynthesis
22.
I Still Believe
23.
Somebody to Love (reprise de Queen)